Projet de coopération de l’ENPC et de l’ENTPE avec d’autres établissements d’enseignement supérieur
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- Depuis plusieurs années, les gouvernements successifs remodèlent le paysage de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche français. L’objectif, à travers de multiples dispositifs dits « d’excellence », est de constituer des ensembles intégrés regroupant universités, grandes écoles, organismes de recherche, sur une base territoriale. Nos écoles sont directement concernées.
Concernant l’ENTPE, nous avons pris acte de l’accord large du CA sur la participation à l’IDEX et à la construction de « l’université intégrée », assorti d’un certain nombre de conditions.
Concernant l’ENPC, le projet d’I-Site présenté en septembre 2016 prévoyait aussi la fusion de l’ENPC avec « la création d’un établissement unique à partir d’une université (UPEM), d’écoles (EIVP, ENSAVT, ENSG, ESIEE Paris). Cet établissement serait composé d’entités dépendant de trois ministères différents et situées sur plus de trois sites différents sans faire apparaitre aucune véritable synergie mis à part un affichage de thématiques. Face à la menace d’un projet qui risquait de modifier les statuts de l’ENPC sans aucune garantie quant à son avenir dans ce nouvel établissement, la mobilisation des personnels et des élèves a permis de la mettre en retrait de ce projet.
Ces évolutions présentent pour nous des risques évidents. Par rapport à leur objectif annoncé, rien ne garantit que de tels regroupements pourront effectivement permettre aux établissements français de remonter dans les classements internationaux. Par contre, les « petites universités », les « petites écoles » laissées à l’écart de ces mastodontes risquent de voir leur attractivité et leurs financements se réduire, avec des conséquences négatives en termes d’aménagement du territoire. A contrario, les universités les mieux classés au rang mondial ont par exemple entre 15 000 et 20000 étudiants, or la future université intégrée de Lyon – Saint Etienne en aura environ 140 000 !
Les subventions pour charge de service public et les plafonds d’effectifs ne cessent de baisser. La raréfaction des recrutements des fonctionnaires posent la question du devenir de nos écoles comme centre de formation initiale diplômante pour les agents publics. Que deviendront dans la durée les nouveaux financements apportés par le PIA dans les IDEX et les I-Site ?
Enfin, pour les étudiants et les personnels, « plus gros » n’est pas nécessairement synonyme de « mieux », que ce soit en ce qui concerne la qualité de l’enseignement ou la vie quotidienne sur le lieu de travail ou de formation.
Ces bouleversements s’appuient principalement sur les dispositifs d’excellence déjà évoqués et impliquent une intégration, pouvant aller jusqu’à la fusion, des divers établissements. Pour autant, des rapprochements de fait existent depuis plusieurs années, à travers les COMUE bien sûr, mais aussi à travers des réponses collectives à des programmes de recherche comme dans le montage aujourd’hui généralisé de formations de deuxième et troisième cycle inter-établissements.
- A travers le RST, ses écoles, ses centres de recherche, ses établissements assurant l’interface entre sciences et techniques, le Ministère est de fait inscrit dans les bouleversements du paysage de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Pour nous, ces initiatives d’IDEX ou d’I-SITE menées en ordre dispersé ne peuvent se substituer à l’affirmation par le Ministère d’une politique spécifique à moyen et long terme pour son RST.
En effet, pour la CGT et la FSU, le réseau scientifique et technique et le réseau des écoles du ministère sont indispensables à plusieurs titres :
– La conduite des politiques publiques nécessite le maintien de compétences et de capacités techniques
– Une expertise publique indépendante est nécessaire pour que l’État puisse avoir une capacité critique scientifique et technique dans de nombreuses situations
– La formation est un enjeu essentiel où le croisement des domaines scientifiques et techniques est un apport important. C’est en particulier vrai pour les personnels du ministère dans tous les domaines : encadrement et réalisation de travaux, participation à l’instruction d’autorisations, définition de prestations, attribution de financement, police et contrôle… Le RST devrait être un facteur de synergie entre la nécessaire diversité des formations initiales des agents recrutés (entrée d’écoles, recrutement sur titre, concours ciblés…) et la cohésion des compétences et des pratiques professionnelles adaptables à un contexte local.
– Le réseau scientifique et technique est un outil original, assurant potentiellement une intégration forte depuis les activités de recherche amont jusqu’à la mise en œuvre de leurs résultats en aval. Cette double attache est un atout pour nos organismes de recherche et nos services opérationnels.
- Les résultats du second programme d’investissement d’avenir sont tombés début 2017. Certains établissements du MEEM sont partie prenante de projets ayant été sélectionnés. C’est notamment le cas, sous des formes de participation très différentes, de l’ENTPE, de l’ENPC, de l’IFSTTAR et de l’IGN. Ces projets sont censés impliquer à terme des rapprochements, pouvant peut-être prendre la forme d’intégration ou de fusion des établissements les soutenant mais sans qu’aujourd’hui la gouvernance de ces nouveaux instituts, et la place qu’y aura le MEEM, soit précisées : quelle sera leur degré d’autonomie ? comment sera maintenue la spécificité de nos établissements ? quelles seront les conséquences pour les personnels ? quelles conséquences sur la délivrance des diplômes et la recherche ? quel avenir pour nos écoles d’ingénieurs ? quelle participation à la gouvernance des « universités intégrées » ?
Le réseau des Ecoles, évoqué un temps, semble disparu, même s’il existe de manière informelle. Pour être crédible, il devrait d’ailleurs associer la grande majorité, sinon toutes les Écoles dont le Ministère est tutelle. Pour la CGT et la FSU, la co-tutelle des ministères sur les organismes qui forment certains de leurs agents est primordiale, et n’exclut nullement ni le maintien de recrutements après concours, ni la possibilité d’une diversité des modes de sélection et de provenance des candidats. L’IFSTTAR, organisme aux implantations multiples, semble concentrer ses forces sur l’I-Site de Paris Est. Pourtant, des laboratoires implantés ailleurs en province ont, sous l’impulsion de leurs agents, tissé de longue date des liens avec des centres universitaires locaux. Quel peut être l’avenir de ces collaborations et des thématiques qui les fondent, quel sera l’avenir des agents qui les portent ?
- Les « intégrations / fusions » à l’échelle locale posent de nombreuses questions, aujourd’hui sans réponses. Les conditions d’un rapprochement pour aller vers une université « nouvelle, unique (ou unifiée), intégrée » sont à débattre. Ces débats doivent se produire dans les établissements, au plus près des personnels et des étudiants qui seront directement concernés par de telles évolutions et leur éventuelle mise en œuvre ultérieure. La CGT et la FSU ne rejette pas par principe la constitution d’un service public de la recherche et de l’enseignement plus unifié qu’aujourd’hui, mais il n’acceptera pas que ce processus se construise n’importe comment.
C’est aussi pourquoi les échanges et les débats locaux, s’ils sont importants, ne sont pas suffisants. Les évolutions en cours, dans lesquelles le Ministère est de fait partie prenante mais qui lui échappent néanmoins très largement car il y pèse peu, doivent réinterroger sa vision du Réseau Scientifique et Technique, du réseau de ses écoles mais aussi son rôle de tutelle de ses divers établissements. Il est aujourd’hui urgent que le Ministère construise une politique spécifique à moyen et long terme pour le RST. Faute d’un investissement suffisant, le Ministère se rendrait totalement dépendant d’expertises extérieures et serait réduit à des approches régaliennes et administratives déconnectées des fondements techniques et scientifiques de politiques publiques dont il a la charge.
Face à ces évolutions importantes qui touchent des établissements publics du MEEM, le Ministère doit une information aux personnels et aux étudiants sur les conséquences des regroupements locaux de l’enseignement supérieur et de la recherche et sur son positionnement et sa stratégie tant pour le RST que pour le réseau des écoles.
En conclusion, nous vous interpellons lors de ce CTM, parce qu’il est urgent d’avoir une concertation sur sujet.
Réponse de l’administration :
L’administration fait un point sur les projets d’IDEX et d’I-Site, en soulignant pour l’I-Site FUTURE, la mobilisation de 400 M€, qui doivent rapporter 10 M€ par an, sous condition de concrétiser l’université cible sous 4 ans. Le projet d’IDEX est un projet beaucoup plus gros.
En réponse à notre déclaration, l’administration répond surtout sur le positionnement de l’ENPC, qui devait préserver son « capital », mais pourra toujours entrer dans le projet selon la façon dont ça évolue.
Elle précise que le réseau des écoles « n’est pas inexistant », et que les projets actuels ne sont pas alternatifs au réseau. En ce qui concerne l’IFSTTAR, c’est justement la force du projet que d’avoir des implantations territorialisées qui ont développé de multiples partenariats.
Nous précisons par ailleurs que le délai de 4 ans ne correspond pas à la réalité, puisqu’en fait l’université cible est censé être créée au 01/01/2019.
A la question de la stratégie concernant les écoles, l’administration affirme qu’elle en a une, et qu’elle pourra nous la présenter bientôt…